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Triple 9 – Critique

Braquage triple 9

Triple 9 – Point de départ

Plan noir. Un briquet s’allume. Trois hommes dans une vieille BM sur un parking désert. Ils parlent d’une Russe qui leur fout limite les jetons. Ils doivent faire un boulot pour elle apparemment. Un coup de trois minutes pas plus. Un braquage. Ils seront cinq en tout. Deux types se rajoutent. À trois, ce n’est pas possible. Un des deux types ne leur inspire pas confiance mais ils n’ont pas le choix. Rendez-vous dans deux semaines.

Affiche Triple 9

Triple 9 – Critique

Avertissement : si vous n’avez pas vu le film, je vous conseille vivement d’aller le voir avant de lire ces lignes. Rassurez-vous, ce n’est pas une merde, au contraire !

Sorti en mars 2016, Triple 9 suscitait beaucoup d’attente à l’époque. Pourquoi ? Sa bande-annonce coup de poing. On se disait qu’on tenait là peut-être une pépite du genre. Une pépite sombre et haletante, capable d’enterrer d’un coup de pelle toutes les merdes qui foisonnaient sur les toiles hexagonales (ce constat n’a malheureusement pas changé aujourd’hui). Est-ce que cette attente fut comblée ? Disons que c’était du 50-50 : de réelles qualités mais aussi des défauts patentés.
Je ne l’ai jamais revu depuis sa sortie en salles. Est-ce que les choses ont changé sept ans après ? Non. Il y a toujours ces scènes, ces personnages, cette tension qui marchent très bien mais il y a toujours aussi ces défauts. Détaillons cela tranquillement.

Commençons par les points positifs. L’histoire d’un gang de braqueurs constitué en partie de flics ripoux en prise avec la mafia russe est sur le papier très alléchante. Du classique certes, mais qui peut être redoutablement efficace, et surtout nous plonger dans les remugles d’une Amérique traumatisée. Pour enlever le drap mortuaire qui recouvre notre société contemporaine, le genre policier est très pertinent. Il devient une porte d’entrée sociologique. La démonstration passe par l’action. Ces volontés illustratrices sont partagées par le réalisateur Jon Hillcoat. On retrouve chez lui l’envie de montrer des êtres broyés par un environnement hostile, comme on peut le voir aussi brillamment dans la série The Wire par exemple. L’ensemble est donc très documenté, nous plongeant dans les bas-fonds d’Atlanta. Police corrompue, flics débordés, mafia juive russe, gangs hispaniques… Tout est noir, et aucune lueur d’espoir à l’horizon.
Non content de nous capturer dans cet univers peu ragoûtant, Hilcoat ne considère pas l’action comme une simple case à cocher dans le cahier des charges du genre. Elle est entièrement partie prenante du récit, permettant ainsi aux personnages d’évoluer dans leurs caractères. Ces scènes sont particulièrement réussies, très immersives et tendues. Braquages, arrestations, poursuites… Tout le florilège du film policier est présent et intrinsèquement lié à l’arc narratif.

Triple 9 Casey Affleck

Pourtant, au générique de fin, rien n’y fait, on est un brin frustré.
La première frustration vient du scénario. L’intrigue est foisonnante dès le départ, du fait d’un nombre impressionnant de personnages (il faut noter un casting de très grande qualité). Mais comme si le réalisateur ne se sentait pas en capacité de résoudre cette intrigue lancée, il la clôture de façon très crépusculaire. En gros tout le monde meurt ou presque. Une véritable solution de facilité. Certains enjeux narratifs sont même galvaudés. Le film aurait donc mérité d’être moins riche en enjeux mais plus abouti dans sa tenue et sa fin surtout. En poursuivant cette réflexion, on aurait aimé aussi qu’il aille jusqu’au bout de certaines de ses intentions de départ, restées hélas embryonnaires.
Ensuite, à trop vouloir se concentrer sur les personnages, Jon Hilcoat en a oublié l’univers dans lequel ils baignaient. Cette réflexion sur l’environnement qui fait de nous ce que nous sommes est au cœur du postulat de départ. Pourtant, pas une fois, la caméra ne va prendre du recul pour embrasser cet univers dans sa globalité. On est donc au plus près des personnages, de leurs troubles existentiels, qui parfois virent à la caricature, dans une ville qui ne diffère d’aucune autre ville américaine. On aurait aimé une réflexion plus générale sur Atlanta, sur sa criminalité, comme The Town de Ben Affleck ou Les Infiltrés de Scorsese l’avaient délivré sur Boston.

En dépit de ses défauts, Triple 9 reste cependant un bon film de genre qui se revoit avec plaisir. Il a l’immense mérite de proposer un film tortueux avec des personnages certes archétypaux mais qui imposent une véritable présence à l’écran. À voir sans s’hésiter donc !

Triple 9 (2016) réalisé par John Hillcoat avec Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie, Kate Winslet, Woody Harrelson, Aaron Paul, Norman Reedus

Pour ceux qui aiment les bandes-annonces :

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