Aller au contenu
Accueil » Blog Film Policier » Les Ripoux (1984) – Critique

Les Ripoux (1984) – Critique

Les Ripoux (1984)

Les Ripoux – Point de départ

Montmartre 1984, vue nocturne sur la basilique du Sacré-Cœur, la bande-son de Francis Lai résonne, le titre s’affiche… Rien que ça, il y a quelque chose de magique au visionnage. Une sorte de Madeleine de Proust. La sensation intime que Claude Zidi, le réalisateur, en un plan fixe a capté l’essence d’une ville, d’un quartier, d’une époque.

Puis la caméra se tourne vers la rue, grouillante et pleine de lumières. Pigalle et sa cohorte de travailleuses de la nuit. Deux flics attendent qu’un mac relève ses compteurs. L’un a mal au bide, c’est Pierrot joué par Pierre Frag, l’autre plus serein, un cigarillo au bec, fait son papier pour le tiercé du lendemain. C’est René, incarné par Philippe Noiret. Le mac passe prendre son dû. Les deux comparses décident de l’attendre chez lui, pour lui voler sa caisse. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, les flics débarquent ! René et Pierrot s’enfuient dans les escaliers de la butte Montmartre. Peine perdue, ils sont entourés par toute la maréchaussée. C’est alors que vient une idée lumineuse à René : que l’un des deux arrête l’autre, histoire d’éviter qu’ils aillent tous les deux au mitard. Mais qui va arrêter l’autre ? Forcément René, puisqu’il a eu l’idée. C’est le primat de l’intelligence. Pierrot arrêté, René feint ensuite remarquablement la surprise en découvrant son véritable visage dans le fourgon : « oh merde Pierrot ! Mais dis-moi que c’est pas vrai, que c’est pas toi ! » Désormais René est seul. Il lui faudra bien un nouvel équipier pour poursuivre ses combines douteuses. Heureusement, son patron, le commissaire Bloret, joué par Julien Guiomar, a trouvé un successeur à Pierrot : un jeune inspecteur d’Epinal fraîchement sorti de l’école de Police, François Lesbuche (Thierry Lhermitte). Un idéaliste pour qui le mot corruption est un gros mot. Ça promet…

Les Ripoux (1984) affiche

Les Ripoux – Intrigue

Si nous devions utiliser une grammaire cinématographique aux accents US, nous dirons que Les Ripoux est un véritable buddy movie, ce style de comédie où deux personnalités aux styles et caractères très opposés vont devoir faire équipe. On est en plein là-dedans. Et ce duo marche très bien à l’écran. C’est une totale réussite. D’un côté, nous avons le vieil inspecteur combinard qui connaît le quartier comme sa poche, et qui magouille depuis vingt ans et de l’autre nous avons cet inspecteur naïf et idéaliste, qui ne connaît rien de la vie parisienne, ni du terrain en général. Le cocktail est détonnant et très réussi. On sent à l’écran une véritable complémentarité et complicité. Toutefois un très bon duo sans une bonne intrigue n’irait pas très loin. Et Les Ripoux présente une excellente intrigue, entre comédie policière, roman d’apprentissage, et enquête. L’ensemble scénaristique se tient remarquablement bien. Il n’y a pas de fausses notes ni de temps morts mais du rythme et des rebondissements. Philippe Noiret le disait dans Mémoire cavalière : « Ce script était rond, mais totalement dépourvu de gras. Il n’y avait ni digression ni superflu d’aucune sorte. Dès la première séquence, l’ouverture en forme de coup de théâtre se révélait très efficace. On se sentait porté par cette logique, cette tension qui courait de la première à la dernière page, sans pause ni ralentissement, sans qu’on ait jamais besoin de compenser par un artifice de jeu ou de narration. Sur un rythme frénétique, les divers éléments se tenaient comme un meuble très bien fait et donnaient l’impression d’une roue, qui avançait inexorablement. Avec Claude Zidi, on va toujours directement à l’essentiel. » On ne peut pas mieux dire, n’est-ce pas ?

Les Ripoux – Critique

Que je prévienne tout de suite le lecteur de ce billet, je ne suis en rien objectif lorsque j’évoque Les Ripoux. C’est un film que j’ai découvert adolescent, et qui ne m’a jamais quitté depuis. Je le revois avec toujours autant de plaisir une fois par an. Il agit sur moi comme une Madeleine de Proust me faisant voir à l’écran un Paris, un quartier surtout que je trouvais fascinant. Car il y a quelque chose de documentaire dans Les Ripoux, qui donne au film un poids, une vérité tout à fait intéressante. On n’assiste pas à une comédie hors-sol, très bourgeoise, où l’intrigue pourrait se dérouler dans n’importe quel lieu en France que cela ne changerait pas grand-chose au scénario. Non dans Les Ripoux, le XVIIIe et le XIXe arrondissements de la capitale sont des personnages à part entière.

On retrouve aussi ce côté documentaire dans la peinture de la police. Ici on voit la patte de Simon Mickaël, ancien flic, au scénario. La vie d’un commissariat de quartier, la rivalité avec la BRI, les « bœuf-carottes », les consignes de la préfecture, les astuces de terrain… Tout sent le vécu, et apporte au film beaucoup de crédibilité. À tel point que le film sera diffusé chaque année à l’Ecole des commissaires. Le terme « ripou » va d’ailleurs passer dans le langage commun.

Noiret et Lhermitte dans Les Ripoux (1984)

Dans ce Paris populaire, on suit avec délectation les tribulations de François et René porté par la musique de Francis Lai, autre grande réussite de ce film. Il n’est peut-être pas nécessaire de rappeler la filmographie de ce compositeur incroyable de musique de films, mais la bande-son qu’il composa pour le film colle parfaitement à l’image, à l’ambiance. Cela forme à l’écran un tout indissociable. Elle confère même à certaines scènes un accent mélancolique, où l’on se dit qu’on regarde finalement un film qui est bien plus qu’une simple comédie.

Bien évidemment si Les Ripoux ont tant marqué les spectateurs de l’époque (5,8 millions de spectateurs) et le milieu du cinéma français (le film reçoit trois Césars en 1985 dont celui de meilleur réalisateur et de meilleur film) c’est grâce à ses acteurs. Au premier plan, Philippe Noiret et Thierry Lhermitte qui forment un duo irrésistible. Le premier compose un personnage mémorable. Le rôle lui colle à la peau. Son travail paraît si naturel qu’il donne l’impression qu’il a été flic ripou toute sa vie. Remarquable travail d’acteur. Thierry Lhermitte est aussi très bon en inspecteur ingénu qui progressivement va tomber du côté obscur de la Force. Et les seconds rôles sont tout aussi réussis : Régine, Julien Guiomar, Grace de Capitani, Albert Simono, Claude Brosset… Ils jouent tous à merveille, servis par les dialogues affûtés de Didier Kaminka. Car des répliques cultes, il y en a…

Enfin, comment ne pas parler des Ripoux sans évoquer les chevaux, les bourrins, les canassons ? En amoureux des courses hippiques, Les Ripoux me présentait aussi le monde du turf, du trot, de Vincennes avec ses codes, son vocabulaire, sa faune. Quand vous avez fréquenté les hippodromes comme votre serviteur, vous savez que rien ou quasi rien n’est inventé. Toujours cette vérité « documentaire » du film. L’inspecteur René Boisrond ne jure que par le tiercé. Son plus bel amour fut Gélinotte, gagnant du prix d’Amérique en 1956 et 1957. Cette passion offre aussi un puissant ressort comique au film.

Bref, il serait inutile de vouloir vous encourager, si vous n’avez pas vu ce chef-d’œuvre de comédie policière (oui je n’ai pas peur de le dire), à voir Les Ripoux. Je crois que cette chronique parle d’elle-même.

Les Ripoux (1984) réalisé par Claude Zidi avec Thierry Lhermitte, Philippe Noiret, Grace de Capitani, Régine, Julien Guiomar, Albert Simono, Claude Brosset…

Pour ceux qui aiment les bandes-annonces :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *