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L’assassin habite au 21 (1942) – Critique

L'assassin habite au 21 - scène d'ensemble

L’assassin habite au 21 – Point de départ

L’action se déroule à Paris. Un clochard tout heureux d’avoir gagné une forte somme d’argent à la loterie fête dignement son succès dans tous les bistros de son quartier. Il est tard, il est l’heure pour lui de rentrer. On l’avertit qu’il devrait se méfier de porter autant de beaux billets sur lui. Cela pourrait attirer les curiosités de Monsieur Durand, un mystérieux assassin qui sème la terreur : « quatre crimes en un mois ! Et tous dans le quartier. » Pas impressionné pour un sou, le clochard prend congé, et va gaiement rejoindre ses pénates. Il croise la maréchaussée qu’il salue poliment. Cependant, il se sent suivi. Il accélère le pas. On se rapproche. Acculé, il a à peine le temps de dire ouf qu’il se fait embrocher comme un poulet. Une main gantée plonge dans son veston pour se saisir des biftons et laisse une carte, celle de Monsieur Durand.

À la suite de ce cinquième crime, du ministre jusqu’au chef de la PJ, la consigne est donnée : il faut mettre Monsieur Durand le plus vite possible derrière les barreaux. C’est le commissaire Wenceslas Vorobeïtchik dit Wens qui est chargé de l’enquête. Une crapule de sa connaissance va alors lui donner l’adresse du tueur : une pension de famille, les Mimosas, au 21 avenue Junot…

L’assassin habite au 21 – Intrigue

Clouzot, cinq ans après l’avoir réalisé, définissait L’assassin habite au 21 comme « un exercice de style élémentaire ». Permettez-moi d’être un peu plus élogieux à cet égard. L’intrigue est certes celle d’un policier classique. Le film est d’ailleurs l’adaptation du roman éponyme de Stanislas-André Steeman. L’auteur belge va même collaborer avec Clouzot sur le scénario du film. L’intrigue, de Londres se déplacera à Paris et beaucoup de dialogues seront supprimés. Triste réalité du métier d’écrivain : « j’aurai aimé en faire une symphonie en gris dans de style du Dr. Jekyll et Mr. Hyde. […] je m’inclinais. […] on avait bien voulu garder le tiers de la moitié des gags sur lesquels j’avais sué (par bonheur) un mois durant. Le tiers de la moitié des moins bons, cela va sans dire. »

Malgré les « malheurs » de Steeman, sur le plan de l’intrigue, L’assassin habite au 21 est une réussite. Le mystère avance sur un rythme entraînant, sans temps mort. On est tenu en haleine jusqu’au dénouement qui est comme on l’espérait, surprenant et spectaculaire. C’est un vrai plaisir !

L'assassin habite au 21 affiche

L’assassin habite au 21 – Critique

Une intrigue réussie est déjà synonyme d’un film réussi mais quand les personnages et les dialogues sont au rendez-vous, on côtoie l’excellence. L’assassin habite au 21 n’a jamais eu la prétention d’être un chef-d’œuvre de film policier, mais il mérite amplement sa condition de classique indémodable. Ses personnages sont extrêmement réussis. Le commissaire Wens joué par Pierre Fresnay est un héros fort sympathique, flegmatique en souhait, ironique voire mordant quand il le faut. Sa petite amie jouée par Suzy Delair est un délice à voir, en chanteuse ambitieuse et délurée, « enquiquineuse » à souhait comme sa femme de chambre le dit. La pension de famille où vit la patronne, dame imposante au verbe et physique impressionnant, le valet de chambre qui compose son numéro de sifflet, le constructeur de figurines en bois qui vend sa camelote dans tout Paris, la vieille fille qui court après son premier roman publié, le docteur à la retraite des colonies misanthrope et amateur de whisky dès potron-minet, le magicien onctueux et ampoulé aux manies cleptomanes, le boxeur aveugle, l’infirmière… Tous forment une comédie humaine drôle et tragique à la fois. Car L’assassin habite au 21 est une peinture noire de l’humanité : « les hommes sont mauvais Monsieur le pasteur. » L’humour n’est présent que pour être « la politesse du désespoir » selon le mot de Chris Marker (et non de Hugo, Wilde ou Valéry comme il est parfois dit). Les dialogues sont à ce sujet remarquables de précision, de rythmique et de drôlerie. Lorsque l’on voit le niveau de certains films d’aujourd’hui, on est saisi par la régression de la langue qui s’est opérée. Heureusement, certains réalisateurs, comme Alexandre Astier ou Patrice Leconte, ont encore l’amour du verbe en eux.

Pour son premier film, Clouzot fait déjà preuve d’une véritable maîtrise. Le suspens est rondement mené jusqu’au final. Les premières minutes où l’on voit à travers les yeux de l’assassin, sont très novatrices pour l’époque. Décidément il n’y a rien à jeter dans L’assassin habite au 21. C’est un film excellent. De ces films qu’on a beau connaître presque par cœur, mais qu’on peut commencer comme ça, un peu au hasard, et de l’avaler d’une traite, tout en notant des choses nouvelles, preuve de son intemporalité. De plus, il ne fait qu’1h22, ce qui de nous jours, où le temps est précieux, est une donnée à prendre en compte. Alors bonne séance !

L’assassin habite au 21 réalisé par H.G. Clouzot avec Pierre Fresnay, Suzy Delair, Jean Tissier, Pierre Larquey, Noël Roquevert…

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